- NOIRE (MER)
- NOIRE (MER)Étendue sur quelque 435 000 km2 et renfermant 357 000 km3 environ d’eau salée, la mer Noire est une annexe de la Méditerranée avec laquelle elle communique par les détroits du Bosphore et des Dardanelles, lesquels enserrent la mer de Marmara. Bien que ses rives soient partagées entre six États (Russie, Ukraine, Géorgie, Turquie, Roumanie et Bulgarie), la mer Noire est loin d’avoir l’importance économique de l’autre mer continentale d’Europe, la Baltique. Mais si les activités maritimes y sont demeurées modestes jusqu’au début des années soixante, l’ouverture de l’économie soviétique sur le monde extérieur d’abord, l’intérêt porté par Moscou aux pays riverains de la Méditerranée comme à ceux du Moyen-Orient ensuite ne peuvent manquer de donner pleine valeur à la vocation de la mer Noire aux échanges, accroissant du même coup le rôle que cette mer joue dans le développement des activités économiques de l’Europe.Des caractères physiques défavorablesLes caractères physiques contribuent à expliquer la longue léthargie de la mer Noire. La position géographique de cette mer, placée en impasse au centre de pays restés longtemps pauvres ou sous-développés et à l’écart des grandes routes terrestres et maritimes, n’a jamais favorisé le trafic maritime. Les conditions hydrologiques rendent compte de la pauvreté de la flore et de la faune, donc de la médiocrité de la pêche.Le fond et les eauxComme la Caspienne, la mer Noire se compose de deux bassins. Au nord s’étend une plate-forme continentale, prolongement des plaines ukrainiennes, recouverte par une tranche d’eau de quelques dizaines de mètres de profondeur, partagée en deux parties inégales par la presqu’île de Crimée: à l’est, la mer d’Azov couvre 37 600 km 2 et a une profondeur maximale de 15 m. Au sud, au pied des chaînes pontiques et caucasiennes, le bassin s’enfonce à 2 212 m.Comme la Baltique, la mer Noire est d’âge relativement récent (face=F0019 漣 9 000 ans environ); mais, à l’exemple de la Caspienne et de la Méditerranée, situées également dans la zone alpine, elle se serait installée sur l’emplacement d’une dépression plus ancienne, subsidente depuis peut-être le début du Mésozoïque, comme semblent l’indiquer les forages et les mesures géophysiques; ces dernières ont, de plus, mis en évidence des accidents bordiers profonds, les sédiments du bassin principal, très épais (de 4 000 à 8 000 m) étant, quant à eux, restés à peu près horizontaux. Des travaux ont montré d’autre part que les sédiments de la mer actuelle ont évolué dans des conditions lacustres jusque vers 漣 5 000 ans, date à laquelle une communication plus permanente se serait établie avec la Méditerranée.La mer Noire reçoit de ses 150 tributaires quelque 350 km3 d’eau en année moyenne, dont 210 km3 sont apportés par le Danube et 130 par les fleuves de l’Europe ex-soviétique. Les précipitations qu’elle reçoit ajoutent 218 km3 aux 7 km3 apportés par les eaux souterraines. Comme l’évaporation en mer ne prélève que 410 km3, la mer Noire cède à la Méditerranée davantage d’eau que celle-ci ne lui en apporte.Un courant circule, très proche des côtes, tout autour de la mer Noire, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Or, alimentée par le débit considérable du Danube et des grands fleuves ukrainiens, la tranche d’eau épicontinentale du bassin septentrional présente des taux de salinité assez faibles: 18 p. 1 000 en surface, 20 p. 1 000 en profondeur. Le courant entraîne donc d’est en ouest des eaux douces, tandis qu’un contre-courant de compensation apporte dans le bassin méridional des eaux très salées originaires des détroits et de la mer Égée. Mais, en raison des faibles différences de température, ces brassages ne suffisent pas à alimenter un plancton capable de nourrir une faune très abondante.Les côtesLe climat des côtes est méditerranéen, mais à tendance plus ou moins continentale, surtout au nord. Si les ports de Turquie et de Géorgie sont libres de glace, ceux de la mer d’Azov restent bloqués durant trois mois de l’année, et Odessa doit être dégagé par l’action de brise-glaces.Les littoraux enfin ne permettent guère l’établissement des grands ensembles portuaires caractéristiques de l’époque contemporaine. Au pied des hautes chaînes caucasiennes ou pontiques, quelques rias ou calanques offrent de modestes abris. Petites plaines littorales, deltas marécageux, comme celui du Rioni en Géorgie, sont à peine assainis et aménagés. Au nord, les côtes en voie de régularisation par colmatage n’ont pas davantage favorisé le grand trafic maritime. Le courant littoral entraîne les alluvions des fleuves sous la forme de flèches sableuses qui tendent à obturer des lagunes saumâtres appelées en Ukraine liman; certains fleuves comme le Dniepr accumulent leurs apports et forment des deltas à l’extrémité de longs estuaires résultant d’un ennoyage dû à un relèvement eustatique du niveau des eaux. Le plus grand et le plus beau delta d’Europe, celui du Danube, progresse rapidement et ses alluvions engraissent les côtes bulgares, où Nesseber offre l’exemple d’un tombolo classique. Ainsi, la plupart des ports sont en voie d’ensablement; des aménagements complémentaires pour l’accueil de navires d’un tonnage moyen ont été nécessaires à Odessa, qui se dédouble en direction du sud, vers le Sukhoi-liman. Le seul site profond et bien abrité est celui du port militaire de Sébastopol, en Crimée. Les côtes marécageuses, l’isthme de Perekop, le littoral roumain et bulgare n’ont fixé que de petits ports de cabotage ou de pêche côtière.L’activité économiqueÀ ces facteurs physiques peu favorables, se sont ajoutées la relative médiocrité des arrière-pays et les grandes tendances de la politique économique des pays riverains, encore que fût extrêmement bien marquée la dissymétrie entre les côtes turques et les côtes des anciens pays socialistes. L’État turc a orienté ses principales activités en direction de la Méditerranée, particulièrement de sa façade égéenne; Smyrne et Istanbul accaparent le commerce d’exportation, donc la majeure partie du trafic portuaire. Sur le littoral pontique, Zonguldak, Sinop, Trabzon (Trébizonde) exportent des quantités assez faibles de denrées agricoles, de minerais non ferreux et de charbon extraits dans l’arrièrepays. En revanche, pour les pays anciennement d’économie socialiste, la mer Noire représente une façade ouverte sur le monde, et, si cette vocation a été longtemps négligée, les derniers plans ont accordé au trafic maritime, aux constructions navales et à l’équipement des ports l’importance que doit entraîner l’application de la politique de coexistence pacifique et de relations avec le Tiers Monde.L’absence de statistiques ne permet pas d’évaluer les niveaux atteints. Le trafic annuel des ports les plus actifs, Odessa, et Constan face="EU Updot" 亂a en Roumanie, dépasse vraisemblablement 15 millions de tonnes. On sait que les deux ports bulgares enregistrent chacun plus de 10 millions de tonnes depuis 1980. Le trafic des ports du Caucase et de la mer d’Azov doit se situer autour de 4 à 6 millions de tonnes. Il est plus facile et plus intéressant d’essayer de classer les ports en fonction de leurs relations avec l’arrière-pays et du rapport entrées-sorties. Les ports pétroliers émergent nettement de l’ensemble. En Géorgie, Batoum, relié aux gisements de Bakou par le pipe-line de Transcaucasie lequel véhicule aussi du pétrole venu d’Asie centrale, voire de Sibérie, raffine une partie du brut et en exporte une autre partie, la majorité sans doute, vers la mer d’Azov, Odessa ou l’étranger. Tuapse reçoit du brut des gisements de Neftegorsk, à quelques dizaines de kilomètres, et Novorossijsk en reçoit du bassin qui s’étend entre les plaines du Kouban et la côte. Constan face="EU Updot" 亂a est depuis la fin du XIXe siècle le grand port roumain d’exportation du pétrole de Ploiesti et, depuis 1960, des nouveaux gisements d’Olténie. Les ports du nord, comme Odessa, reçoivent des hydrocarbures, réexpédiés en majeure partie dans l’arrière-pays. Burgas en Bulgarie est le seul port d’importation du brut de l’ex-Union soviétique, raffiné sur place. Mais en aucun cas les hydrocarbures n’ont entraîné la création de gros complexes pétrochimiques. Les anciens ports d’exportation des céréales d’Ukraine ou des plaines roumaines sont devenus des ports de marchandises en vrac ou de petit cabotage. Le plus souvent, ils sont importateurs de céréales des États-Unis ou du Canada; ils reçoivent ou expédient des matériaux de construction, du charbon, des produits manufacturés, Varna en Bulgarie exporte les produits du combinat chimique – à base de sel marin – édifié dans son arrière-pays, à Reka Devnja. Taganrog, Berdiansk sur la mer d’Azov, Nikolaiev et Kherson, aux embouchures respectives du Bug et du Dniepr, sont devenus des foyers d’industrie mécanique. En revanche, le port de Kertch, qui exporte les minerais de fer extraits dans la presqu’île du même nom, et celui de Jdanov, où s’est développée, en marge du Donbass, la seule implantation de sidérurgie littorale de toute l’ex-Union soviétique, ont accru leur tonnage depuis les années 1960. Les ports fluviaux, par exemple Rostov, ou situés sur un delta comme Izmaïl et Reni, à la frontière roumaine, sont beaucoup plus en relation, le premier avec le système des Cinq Mers par le canal Don-Volga, le second avec les ports du Danube inférieur et moyen, qu’avec la mer Noire. Enfin, Odessa (1 096 000 habitants en 1992) est à la fois, mais dans des proportions qu’on connaît mal, port de pêche et de conserveries, chantier naval, ancien point de départ des expéditions soviétiques dans l’Antarctique, siège de nombreux instituts de recherche et d’écoles techniques orientés vers les problèmes de le mer, port commercial de denrées très variées, mais sans implantation d’industrie lourde, port de voyageurs, d’escale et de tourisme en relation avec la Méditerranée et l’Occident.Relativement favorisé par le climat, le littoral de la mer Noire peut acquérir une importance touristique considérable. Au pied des chaînes occidentales du Caucase, une première riviera s’allonge dans un décor de végétation subtropicale, de Soukhoum à Tuapse. La station de Sotchi, l’une des plus célèbres en Russie, s’étend sur plus de 20 km et reçoit chaque année un pourcentage plus élevé d’étrangers. La seconde riviera, criméenne, rendue célèbre par la conférence de Yalta (février 1945), est une étroite bande protégée des vents froids de la steppe par les chaînes ou yaila de Crimée. Elle accueille aussi bien les malades, les étrangers qui y séjournent pendant un temps assez bref, au cours de croisières méditerranéennes. Plus de 12 millions de touristes fréquentent les stations balnéaires ex-soviétiques de la mer Noire. Enfin, les investissements consentis par les gouvernements roumain et bulgare dans les stations créées de toutes pièces le long des plages ont donné des résultats spectaculaires. Mamaia en Roumanie, les Sables d’Or et la Côte du Soleil en Bulgarie attirent beaucoup plus de touristes d’Europe occidentale que toutes les stations ex-soviétiques.
Encyclopédie Universelle. 2012.